15 November 1839

Opening Concert of the Salon

 

Paris: Salle Zimmerman

Programme

Principal Vocalists: Mlle Heinefetter; M. Ponchard
Principal Instrumentalists: Messrs. Cramer, Moscheles

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Programme Notes: The piano brand was Pape.


Review

Le Ménestrel; journal de musique (November 24, 1839): 4.

—M. Zimmermann vient de rouvrir ses brillans salons : c’est le premier et le troisième vendredi de chaque mois qu’auront lieu désormais ces intéressantes soirées que l’artet la fashion ont depuis longtemps placées sous leur patronnage. A la séance du 15 de ce mois deux vieilles notabilités allemandes, MM. Moschelès et Cramer, ont livré leur talent solide et classique à l’appréciation de nos connaisseurs. Le succès ne pouvait être contesté ; l’eût-il été, un glorieux passé serait là pour imposer silence à quelques impitoyables aristarques de nos jours. Ponchard et Mlle Heinefetter ont completté l’attrait de cette première séance, fidèle avant-courrière d’une saison féconde en jouissances musicales.

Le furet des salons; journal du monde élégant, de l‘industrie et des théâtres (December 1, 1839).

Salon de M. Zimmermann.—Roméo

Et Juliette de M. Berlioz.

Les salons de M. Zimmermann sont‘ ouverts ; une foule élégante s’y porte avec empressement. N’est-elle pas sûre de trouver là une hospitalité charmante et d’excellente musique bien exécutée ? Nous avons assisté au dernier concert de M. Zimmermann. Ponchard, Moschelès et une cantatrice allemande dont nous ignorons le nom, et qui, si nous ne nous trompons, chantait pour la première fois à Paris, et non moins qu’eux M. Zimmermann lui-même et Mlle Zimmerman, ont eu, à juste titre, les honneurs de la soirée. Tout le monde connait Ponchard et sa délicieuse méthode. L’âge altère la voix, et tant de chanteurs n’ont pas d’autre ressource ! l’âge blanchit les cheveux, ride le visage, et tant de chanteurs seraient bannis des concerts si leur noire chevelure ne tombait en boucles artistement préparées sur des joues fraîches et jeunes ! mais l’âge ne détruit pas une méthode de chant ; aussi Ponchard n’aura-t-il pas la douleur de se survivre à lui-même ; il chantera toujours, et toujours avec succès.

Il est difficile pour ceux qui n’ont pas entendu Moschelès de se faire une idée de la verve entraînante, de la richesse d’exécution de cet habile pianiste. Allez l’entendre, et vous nous direz s’il n’est pas un digne émule des Liszt, des Thalberg, des Schopin.

En somme, ce concert était satisfaisant à tous les points de vue. Il y a dans le salon de M. Zimmermann un parfum de bonne compagnie qui prévient favorablement pour tout ce que l’on vient voir et r entendre. Des femmes jeunes et belles, dont le pied est petit, et le soulier encore plus petit que le pied, viennent y montrer leurs visages et leurs sourires ; des hommes célèbres dans les arts, dans les sciences, dans la politique y apportent aussi leurs applaudissements. On reste deux heures dans cette brillante assemblée, et l’on regagne son logis avec toutes les satisfactions de l’oreille, de l’esprit et du bon goût.

Du concert de Zimmermann à la représentation de Berlioz il n’y a pas de transition possible : l’un est le produit élégant et déjà ancien de la politesse et du savoir-vivre ; l’autre, c’est le nouveau, le grand drame shakespearien, c’est-à-dire quelque chose de fort et d’immense comme une forêt vierge, comme les montagnes, comme la mer, comme les sévères et vastes aspects de la nature. Notre collaborateur, M. d’Aressy, se serait cru un profanateur si, après une seule audition, il avait songé à rendre compte de l’œuvre de M. Berlioz. Nous ne voulons pas être indiscrets ; à lui seul de décrire les impressions diverses que cette vigoureuse musique a Produites sur son âme. Ce que nous pouvons dire aujourd’hui, c’est que les hommes les plus distingues de France, les femmes les plus renommées pour leur goût et leur esprit ont constamment Clouté, avec l’attention la plus soutenue, la tragédie lyrique de M. Berlioz ; que les applaudissements les plus sympathiques sont partis à diverses reprises de cette foule intelligente et choisie.

Le plus fécond de nos romanciers, l’anatomiste de l’âme, celui qui n’oublie pas un cheveu dans la description d’un homme, un grain de poussière dans la description d’un appartement, l’homme qui découvre le génie dans l’écartement des fosses nasales, la profondeur dans la forme des ongles, les dispositions amoureuses aux attaches des poignets, illustre des maréchaux de France, le grand Balzac enfin, ne sait pas la musique. Cette grande découverte a été faite dimanche dernier par M. d’Aressy, qui en est demeuré tout stupéfié. M. de Balzac ne sait pas battre la mesure et est soupçonné d’avoir la voix fausse. Femme de trente ans, couvre la tête de cendre et ceins-toi d’un cilice !!! T. D’ARCUEIL.